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Bienvenue à Bouquinbourg
condition feminine
7 septembre 2014

Quand j'étais Jane Eyre, Sheila Kohler

Quand j'étais Jane EyreQuand j'étais Jane Eyre est le neuvième roman de l'écrivaine Sheila Kohler paru en 2012 aux Éditions de la Table Ronde.

Manchester, 1846. Au chevet de son père qui  se remet doucement d'une opération des yeux, Charlotte Brontë écrit, dans la pénombre d'une chambre. Son nouveau roman, Jane Eyre, prend racine dans le terreau de sa vie. Le décès de sa mère, mais aussi la froideur de son père, en admiration devant son fils anéanti par l'alcool, la difficulté pour se faire éditer ou encore la passion qu'elle connut pour un de ses professeurs, Charlotte glisse dans son roman des éléments de sa vie et la transfigure pour mieux s'en venger. Sous sa plume naît un chef d'oeuvre. Et aux côtés de ses deux soeurs, Charlotte Brontë se laisse guider par l'acte d'écriture et transporter par les mots.

Depuis sa sortie en 2012, ce roman m'attirait, tant par son titre que par son sujet. Sheila Kohler nous livre ici une histoire tout à fait étonnante et d'une finesse exquise. Aux côtés des soeurs Brontë, dont il suit le quotidien dans les grandes lignes, le lecteur assiste à la naissance de trois chefs-d'oeuvre de la littérature anglaise : Jane Eyre, de Charlotte, Les Hauts de Hurlevent, d'Emily et Agnes Grey, d'Anne.
L'auteure, qui maîtrise parfaitement son sujet et la biographie des trois femmes, interroge l'acte d'écriture et s'immisce dans la tête de Charlotte Brontë pour mieux analyser ce qui pousse un individu à passer à l'écriture. La narration à la troisième personne, qui se focalise sur le personnage de Charlotte, offre une dynamique des plus intéressantes à l'ensemble.
De la rivalité des trois soeurs, l'auteure esquisse quelques lignes - notamment quand Charlotte est la seule à ne pas réussir à faire publier son roman - pour mieux s'intéresser aux fils entrelacés entre fiction et réalité, une réalité teintée de mélancolie et entachée de drames.
De la difficulté à publier un écrit pour une femme au 19e, en revanche, il est davantage question. Peut-être pour mieux définir les contours de ce contexte éditorial et mettre davantage en lumière les trois soeurs et leur ténacité respective.
Porté par une plume claire au style à la fois limpide et rythmé, Quand j'étais Jane Eyre est un roman peu commun, bel hommage à ces trois femmes de lettres que sont les soeurs Brontë. 

D'autres avis : Cathulu, Clara, FondantoChocolat, L'Or, Melisende, Miss Alfie, Stemilou, Theoma,...

Sheila Kohler présente son roman

 

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8 mars 2014

Quelques idées pour la Journée des droits de la femme

Née suite à une grève d'ouvrières en 1917, la Journée de la femme est célébrée à travers le monde le 8 mars. Institutionnalisée en France en 1982, elle est devenue aujourd'hui incontournable et permet de faire un bilan sur la condition féminine. Et ça fait peur...

Très sensible à la question de la condition féminine, aujourd'hui, j'ai envie de mettre à l'honneur les femmes sur mon blog. Vous trouverez donc dans ce billet :

  • 10 écrivaines contemporaines à découvrir. Pas de présentation à rallonge. Juste leur photo et leur nom en légende. Histoire de vous les remettre en mémoire, ou d'attiser votre curiosité, à défaut.
  • 10 livres qui traitent de la condition féminine et mettent en scène des personnages forts qui se débattent avec leurs propres contraintes. 
  • 10 films qui mettent en scène des héroïnes bien dans leur époque et engagées dans la vie.
  • 10 idées pour cette journée particulière.

                              Je vous souhaite à toutes une très belle journée !

10 écrivaines à découvrir

Sylvie Testud Laure Adler Michèle Lesbre

Duong Thu Huong Zoyâ Pirzâd Jeanne Benameur

Joyce Carol Oates Posy Simmonds  Agnès Desarthe Marie NDiaye

 

  10 livres à lire, relire et offrir 

(cliquez sur la couverture pour lire ma chronique)

  Beignets de tomates vertes   


  10 films à voir ou à revoir

(cliquez sur l'affiche pour consulter la fiche du film et voir sa bande-annonce)

affiche-Be-happy-Happy-Go-Lucky-851d8

  10 idées à piocher

  1. Porter un ruban blanc pour dénoncer les violences faites aux femmes.
  2. Partager un café gourmand avec une amie.
  3. Se délecter d'un épisose de Girls, une série féminine résolument dans l'air du temps.
  4. Prendre du temps pour soi.
  5. Sortir profiter du soleil qui innonde la France en ce moment.
  6. Ne faire aucune tâche ménagère aujourd'hui. Question de principe.
  7. Participer à l'un des événements organisés à cette occasion (consulter la carte)
  8. Se plonger dans un bon livre avec une tasse de thé.
  9. Se faire les ongles de pied plutôt que de passer l'aspirateur, histoire d'accueillir le printemps
  10. Garder le sourire mais continuer à se battre : le 8 mars c'est tous les jours.

D'autres envies, d'autres idées ?   
Qu'allez-vous faire de spécial aujourd'hui ?

 

10 février 2014

Meurtre au Ritz, Michèle Barrière

Meurtre au Ritz, Michèle BarrièreMeurtre au Ritz est le septième tome de la saga consacrée à la famille Savoisy écrit par l'historienne de l'alimentation Michèle Barrière. Ce roman est paru en juin 2013 au Livre de Poche.

Paris, 1898. César Ritz fignole les travaux du célèbre palace parisien qui portera son nom. A la tête de ses cuisines, le non moins célèbre Auguste Escoffier. Mais la réputation du lieu est menacée lorsque le cadavre d'une jeune femme est retrouvé dans une des chambres froides. Heureusement, Quentin Savoisy, journaliste gastronomique en herbe, s'attèle à cette enquête, aidé de Diane sa fiancée, fervente partisane des droits des femmes.

Avec ce nouveau roman, Michèle Barrière nous entraîne dans le tourbillon du Paris de la fin du XIXe siècle. Mêlant Histoire - l'affaire Dreyfus, l'ouverture du Ritz, les mouvements féministes naissants - et fiction, la romancière réussit une nouvelle fois une intrigue très bien ficelée qui laisse la part belle à la gastronomie.
Meurtre au Ritz nous permet de pousser la porte du célèbre palace et de découvrir l'effervescence liée à son ouverture. Les cuisines y tiennent bien entendu un rôle primordial, comme toujours, et le meurtre qui ouvre le roman semble lié à celles-ci. 
M
ais l'intrigue permet également une plongée appréciable dans l'époque dépeinte. Paris est un personnage à part entière, comme toujours dans les romans de Michèle Barrière qui aime à soigner ses lieux et à conserver une cohérence historique globale. Le lecteur se promène, en compagnie de Quentin, le héros, dans les ruelles parisiennes et découvre la ville telle qu'elle était en cette année 1898.
Lire un roman de Michèle Barrière c'est perdre la notion du temps, se glisser dans une époque pour mieux en comprendre les enjeux et découvrir, au détour d'une intrigue policière, l'histoire de la gastronomie et ses subtilités. Un régal...

Intrigué par les romans noirs gastronomiques ?
Découvrez  mon interview de Michèle Barrière
ainsi que mes précédents billets sur ses romans.

 

sang-hermine

 

14 janvier 2014

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

Certaines n'avaient jamais vu la mer, Julie OtsukaCertaines n'avaient jamais vu la mer est un roman de l'écrivaine américaine Julie Otsuka paru en 2012 et couronné du Prix Femina étranger la même année.

Elles s'appellent Katsuno, Chiye, Kiyono, Iyo, Misuyo ou encore Hanako. Elles ont quitté leur Japon natal, ont pris un bateau qui les a conduites aux Etats-Unis. Elles s'y sont mariées. Ont rêvé d'une vie. En ont subie une autre. C'est leur histoire, leur exil, leurs souffrances et leurs frustrations qui sont racontés ici.

Julie Otsuka signe ici un roman magistral. Une sorte d'oeuvre chorale qui donne à entendre les multiples voix de ces femmes exilées. Comme un bruissement, comme un chuchotement, ces femmes se confondent pour mieux se raconter. Et de leurs voix qui s'élèvent naît un portrait changeant, un nous collectif tantôt heureux, tantôt mélancolique, un destin brisé parfois, un amour perdu, l'esquisse d'une femme universelle peut-être, dans sa résignation et son courage.
En moins de 140 pages, Julie Otsuka nous emmène à l'aube de ce XXe siècle naissant. Elle nous entraîne dans le sillage de ces femmes qui ont tout quitté pour partir à la découverte d'un homme, d'un pays, d'une culture. Qui ont tout quitté pour la photo d'un homme et des rêves de vie meilleure.
C'est émouvant, dur parfois, authentique toujours. A travers les étapes de la vie de ces femmes - leur rencontre avec leur mari, leur nuit de noces, la naissance de leurs enfants, la Seconde Guerre mondiale - le lecteur suit leurs vies multiples aux croisements certains et découvre un pan de l'Histoire.
Une lecture bouleversante, révoltante, dont on aurait tort de se priver.

D'autres avis : Canel, Miss Alfie, Lili Galipettes, Theoma, Jérôme...

"Sur le bateau, nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n'étions pas très grandes. Certaines d'entre nous n'avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n'avaient que quatorze ans et c'étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d'élégants vêtements.[…] Certaines descendaient des montagnes et n'avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaients filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage. Parfois l'océan nous avait pris un frère, un père, ou un fiancé, parfois une personne que nous aimions s'était jetée à l'eau par un triste matin pour nager vers le large, et il était temps pour nous, à présent, de partir à notre tour." (p.11)

Un bonheur supplémentaire : écouter Julie Otsuka parler de son roman

31 octobre 2013

Les sorcières d'Eastwick, John Updike

Les Sorcières d'Eastwick, John UpdikeLes sorcières d'Eastwick est un roman du prolifique John Updike paru en 1984. Il fait partie de ces livres qui possèdent la particularité d'avoir éclipsé, par leur titre, le nom de leur auteur. Car si beaucoup connaissent de nom ces diaboliques femmes de la paisible Eastwick, peu nombreux sont capables d'attribuer à John Updike la paternité de cette œuvre.

70's. Eastwick, petite bourgade américaine sans histoire. Mais derrière les apparences et les masques se cachent un brin de sorcellerie et beaucoup de commérages. Trois amies, Alexandra, Sukie et Jane, dont les pouvoirs se sont développés suite à leur célibat, utilisent leurs dons au gré de leurs humeurs, et ce malgré les quand-dira-t-on. Mais lorsqu'arrive en ville Darryl Van Horne, un homme riche et mystérieux, les trois femmes sont piquées de curiosité. Sournoisement, Darryl va tour à tour les séduire et les aliéner. Orgies, drogues, séduction et jalousie vont devenir leur lot quotidien. Darryl, sous ses apparences ordinaires, ne serait-il pas une incarnation du Malin ?

Tant a déjà été dit sur ce roman et cet auteur qu'il est difficile de mettre des mots, mes mots, sur cette lecture. John Updike signe ici un roman foisonnant et multiple qui entraîne le lecteur dans un méandre où seule subsiste l'image de ces trois femmes, puissantes et fragiles à la fois.
La petite ville d'Eastwick est le théâtre de bien des drames et il s'y noue des relations complexes entre les habitants. Critique de cette micro-société, le roman n'épargne personne, et surtout pas les hommes. Ces derniers, hormis Darryl Van Horne, ne souffrent pas la comparaison avec les personnages féminins et restent en arrière-plan de l'intrigue. Faibles, lâches, menteurs, meurtriers parfois, ils semblent cristalliser le mal que la société fomente. Face à ces hommes secondaires, les personnages féminins - les héroïnes ainsi que les autres femmes de la ville - s'érigent en  figures de force et de pouvoir, allant même jusqu'à s'affronter pour éprouver leur domination.
 
La sorcellerie n'est finalement qu'un prétexte à l'auteur pour s'interroger sur la question de l'émancipation de la femme. Ses trois héroïnes, malgré leur posture dominante énoncée plus haut, n'en demeurent pas moins sensibles au charme masculin, et notamment à celui du manipulateur Darryl Van Horne. Et elles qui prônaient la liberté comme valeur essentielle, se retrouvent bien vite piégées par cet individu paradoxalement repoussant et irrésistible. Le lecteur suit avec avidité le mécanisme qui se met en place et les tourments par lesquels passent tour à tour Alexandra, Sukie et Jane. Et à son tour de s'interroger sur la place de la femme.
Porté par une plume splendide, une traduction agréable et des longues phrases au rythme parfait, Les sorcières d'Eastwick est un plaisir dont on aurait tord de se priver.

Et parce que le roman d'Updike a inspiré le petit écran et le septième art, voici deux bandes-annonce d'adaptations très différentes et plus ou moins fidèles à l'oeuvre originelle.
La première est celle du film Les Sorcières d'Eastwick réalisé par Georges Miller en 1987, avec Jack Nicholson, Susan Sarandon, Michelle Pfeiffer et Cher dans les rôles principaux.

 Les sorcières d'Eastwick

Le film Les sorcières d'Eastwick (1987)

  

La seconde est celle de la série de Maggie Friedman, Les Mystères d'Eastwick, dont les 13 épisodes produits ont été diffusés fin 2009 sur ABC.

Eastwick

La série Les Mystères d'Eastwick (2009)

 

Enfin, parce que j'ai tellement annoté ce roman qu'il m'était impossible de faire l'impasse sur cette partie dans ma chronique, voici un florilège de citations qui illustrent le talent d'écrivain de John Updike.

"Si Alexandra était une sorcière du genre substantiel et instable, encline par nature à se gaspiller pour s'offrir aux influences et se fondre dans le paysage, et au tréfonds de son cœur plutôt paresseuse et d'un détachement quelque peu entropique, Jane était bouillante, trapue, concentrée comme une pointe de crayon, et Sukie Rougemont, qui à longueur de journée se dépensait en ville à recueillir cancans et nouvelles et dispenser sourires et salutations, avait une essence oscillante." (p.12-13)

"Rhode Island, bien que de notoriété publique le plus petit des cinquante États, renferme pourtant ça et là des immensités désertes typiquement américaines, des étendues mal explorées enclavées au milieu de zones industrielles tentaculaires, fermes abandonnées et grandes demeures oubliées, campagnes dépeuplées que traversent en hâte des routes droites et noires, marécages pareils à des landes et rivages désolés des deux côtés de la Baie, cet énorme coin d'eau enfoncé comme un pieu jusqu'au cœur de l’État, sa capitale, dont le nom est un acte de foi." (p.19)

"Dock Street, à cette heure où la nuit précoce rattrapait les acheteurs emmitouflés, avait un aspect dévasté, ses illuminations une pathétique manœuvre pour faire obstacle au sommeil, une tentative désespérée et hagarde pour tenir quelque vague promesse prisonnière de l'âpre ciel noir." (p.276)

"Entre-temps, la neige était tombée ; on finit par oublier cette merveille annuelle, son ampleur, l'air doté soudain d'une présence, les traits obliques des flocons ruisselants qui recouvrent tout comme les zébrures d'un graveur, le gros béret qui le lendemain matin coiffe de guingois la baignoire à oiseaux, le brun soudain plus foncé des feuilles sèches encore accrochées aux chênes, les branches vert foncé des sapins ciguë ployant sous le poids et le bleu limpide du ciel pareil à un bol vidé de sa dernière goutte, l'allégresse qui à l'intérieur de la maison ricoche sur les murs, la vie soudain comme survoltée qui sourd de la tapisserie, l'intensité mystérieuse de l'intimité que sur la fenêtre, dans son pot, l'amaryllis partage avec son ombre phallique et pâle." (p.304)

"Alexandra faisait de son mieux pour se montrer à la hauteur et s'intéresser à ces gens qu'elle n'avait jamais rencontrés, mais ses cellules cérébrales n'étaient déjà que trop encombrées de gens qu'elle avait jadis rencontrés, appris à connaître, trouvés passionnants et parfois même aimés, pour bientôt les oublier." (p.333)

"La musique illumine de sa lampe palpitante la sombre caverne de nos existences." (p.351)

"N'ont d'intérêt en fait que ce que nos esprits retiennent, ce que nos vies ont confié à l'air." (p.477)

 

Et vous vous en doutez : en ce beau jour d'Halloween, 
je ne pouvais pas ne pas participer au Challenge Halloween de
Lou et Hilde

 

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25 octobre 2013

Coco Chanel, Elisabeth Weissman

Coco Chanel, Elisabeth Weissman

Coco Chanel est une biographie consacrée à la créatrice éponyme, écrite par la journaliste et essayiste française Elisabeth Weissman.

Beaucoup ont essayé de dresser le portrait de la grande dame qui aimait se faire appeler Mademoiselle. Mais si les biographies sont nombreuses, nombreuses sont également les zones d'ombre qui subsistent autour de la vie de Gabrielle Chanel. 
Elisabeth Weissman prend le parti de se distancier par rapport à ce qui a déjà été écrit sur Gabrielle Chanel et propose une lecture placée sous le signe de l'analyse sociale et féministe. Son propos ? Essayer de comprendre et donner à voir à son lecteur comment cette enfant abandonnée et d'une pauvreté extrême, a réussi à devenir une créatrice de génie et une femme à la fortune colossale, à l'heure où les femmes n'avaient aucune existence sociale et vivaient sous la coupe de leur mari.

Le pari d'Elisabeth Weissman était risqué. 94 pages seulement pour parcourir la vie de Gabrielle Chanel, là où Edmonde Charles-Roux, entre autres, lui consacre 662 pages avec son Irrégulière.
Mais Elisabeth Weissman réussit avec brio ce projet de courte biographie placée sous l'angle féministe et celui de la condition sociale de son objet d'étude. De l'enfance pauvre, ballotée entre orphelinat et institutions religieuses de Gabrielle, à ses débuts de chanteuse de cabaret qui lui valent le surnom de Coco, à ses balbutiements dans la mode lorsqu'elle commence en tant que commise dans un commerce de Moulins avec sa jeune tante, Elisabeth Weissman revient sur ces éléments marquants de la vie de la créatrice et éclaire son parcours à la lumière des humiliations vécues et des frustrations refoulées. Ce sont justement ces blessures qui ont permis à Gabrielle, par un perfectionnisme rare et un goût acharné pour le travail, d'ériger l'empire économique que l'on connaît et de prendre une revanche face à une vie difficile.
De ses amours malheureuses, Gabrielle Chanel retire une indépendance rare et un goût extrême pour le travail, son ultime raison de vivre. Amoureuse à plusieurs reprises, elle essuie des échecs successifs et perd brutalement deux de ses amours, décès qui seront dévastateurs pour son équilibre émotionnel. Là encore, Elisabeth Weissman éclaire la vie de Chanel à la lumière de ces expériences et analyse leurs conséquences. Alors qu'elle rêvait d'une vie maritale aisée, Gabrielle finit sa vie seule, délaissée, ne trouvant que dans le travail une raison de vivre et s'y plongeant à corps perdu, jusqu'à ses derniers jours.
Je ressors enchantée de cette lecture. La pertinence de l'analyse d'Elisabeth Weissman m'a permis de découvrir la vie de fashionChanel sous un angle inhabituel et diablement intéressant. Première incursion dans la liste des biographies consacrée à Mademoiselle, Coco Chanel ne sera pas la dernière, c'est certain.

Voici une nouvelle participation
au défi Read me, I'm Fashion de L'Irrégulière.

Un grand merci à Babelio et aux éditions  pour l'envoi de cette biographie dans le cadre de l'Opération Masse Critique.

Et parce qu’Élisabeth Weissman l'indique en bibliographie et que le document est disponible grâce à l'INA, je vous propose de découvrir un numéro spécial de l'émission Cinq colonnes à la une, datant de 1959, dans lequel Pierre Dumayet interviewe la grande dame.

 

26 juin 2013

Toute passion abolie, Vita Sackville-West

Toute passion abolie, Vita Sackville-WestToute passion abolie est une oeuvre de la poétesse et romancière anglaise Vita Sackville-West (1892-1962) parue en 1931. Celle qui fut la maîtresse de Virginia Woolf laisse derrière elle une oeuvre importante et fut plusieurs fois récompensée pour celle-ci.

A la mort de son époux, Lady Slane prend une décision importante : elle décide de s'installer seule, dans une petite maison repérée des années auparavant et de cesser d'être cette femme soumise et silencieuse que tous ont connue. Pour les enfants de cette octogénaire, leur mère est incensée. Mais Lady Slane décide de faire fi du qu'en-dira-t-on et de terminer ses jours au calme, loin de toute agitation mondaine.

Toute passion abolie est un roman court qui propose une réflexion intéressante sur la vieillesse, d'une part, et les choix d'une vie de l'autre.
En refaisant revivre le passé de Lady Slane à travers l'évocation de souvenirs, la romancière offre un regard singulier sur la vie de son héroïne. Cette dernière n'a pas eu le loisir de choisir sa vie et son existence aisée est allée à l'encontre de ses désirs artistiques. C'est une autre époque qui est décrite ici, une époque régie par des codes sociaux très stricts et dans laquelle les femmes disposaient d'un droit infime par rapport à leurs maris.
C
ette retraite retirée de toute vie sociale et du faste superficiel dans lequel baignent ses enfants permet à Lady Slane de se livrer à une introspection purificatrice de cette vie contrainte.

Avec une plume acérée, Vita Sackville-West dresse une galerie de personnages savoureux. Des enfants de Lady Slane, intéressés et bourrés de défauts, aux vieux messieurs qui font la cour de façon platonique à l'héroïne, les personnages de ce roman sont vibrants de réalisme.
Ode à la vie simple d'une vieillesse assumée, Toute passion abolie est une lecture apaisante, un roman introspectif qui se permet toutefois un pied de nez conclusif tout à fait intéressant.  
Et si, comme moi, vous craquez sur cette édition illustrée par Christian Lacroix, rendez-vous sur la chronique où je détaille le fabuleux coffret inédit consacré aux héroïnes de la littérature, illustré par le couturier.

D'autres avis : Anne, Kathel, L'Irrégulière, Lou, etc.

Enfin une participation au Mois anglais (mieux vaut tard que jamais...) de Lou et Titine et ma lettre S pour le Challenge ABC critiques de Babelio.

Challenge ABC Babelio

18 avril 2013

Le canapé rouge, Michèle Lesbre

Le canapé rouge, Michèle LesbreLe canapé rouge est le dixième livre de la romancière française Michèle Lesbre paru aux Éditions Sabine Wespieser en 2007 et en poche chez Folio en 2009.

Anne file à Irkoutsk retrouver un homme qu'elle a aimé. Dans le transsibérien qui la conduit en Russie, la jeune femme ne peut empêcher ses pensées de vagabonder vers Clémence, sa voisine âgée et isolée à qui elle fait la lecture de biographies de grandes dames. Entre son voyage vers son amour perdu et cette amitié fragile avec cette femme fascinante, Anne se perd un peu pour mieux se trouver.

Voilà un roman que L'Or des Chambres avait encensé et auquel je n'ai pas su résister bien longtemps.
Michèle Lesbre nous transporte aux côtés de son personnage dans une quête à la fois personnelle et tournée vers l'autre. La nature défile derrière les vitres du train et avec elle les souvenirs de l'heroïne. Son enfance, ses amours, puis les souvenirs de son amitié avec Clémence et son attachement à la vieille dame bousculent les pensées d'Anne et semblent l'éloigner du but premier de son voyage : retrouver cet homme qu'elle a tant aimé.
La plume de Michèle Lesbre nous transporte en douceur dans ce voyage intérieur. En 138 pages seulement, la romancière parvient avec brio à insuffler à son roman une atmosphère singulière et attachante.
Un roman à lire d'une traite, d'un souffle. Pour voyager au diapason de l'héroïne. Merci L'Or de ce conseil de lecture, j'ai été conquise !

"De longues traînées de brume s'enroulaient autour des troncs d'arbres et les bois semblaient émerger d'un rêve. Par endroits, une lumière fragile ourlait l'horizon, points de suspension lumineux qui couraient avec le train et traçaient les limites au-delà desquelles plus rien n'existait." (p.55)

"Penser à elle dans mon hôtel de transit me ravissait, j'avais très envie de la revoir, vite, de lui conter mon étrange voyage, sans doute le plus étrange de tous mes voyages, parce que plus que tous les autres il m'avait sans cesse ramenée à ma vie, à la simple vérité de ma vie." (p.82)

 

27 janvier 2013

Rien n'est trop beau, Rona Jaffe

Rien n'est trop beau

Rien n'est trop beau est un roman paru en 1958 aux Etats-Unis et adapté au cinéma par Jean Negulesco en 1959. Son auteure, Rona Jaffe, ayant travaillé quatre ans dans une maison d'édition new-yorkaise, décida de raconter le quotidien des jeunes femmes qui, comme elles, concilient vie active et vie sentimentale, dans le New York des années 1950. Mi-étude sociologique, mi-roman, ce livre rencontra dès sa parution un vif succès.

New York, 1952. Caroline, Mary Agnes, April, Gregg et Barbara travaillent toutes les cinq aux éditions Fabian. Fraîchement diplômées, les cinq jeunes filles occupent des postes subalternes dans cette vaste entreprise dirigée par des hommes. Armées de leurs rêves et de leurs désirs, chacune cherche avidement à faire un beau mariage. Mais en attendant de rencontrer leur futur mari, elles profitent de New York et de ses distractions et subissent la dure loi du monde du travail.

J'aime beaucoup la question de l'émancipation de la femme et de la condition féminine traitée en littérature. Les années 1950 sont une époque charnière où, aux États-Unis, l'indépendance financière des femmes pointait son nez... avant de disparaître majoritairement au profit d'un mariage confortable. J'ai donc dévoré les 670 pages de ce roman avec grand plaisir.
Le lecteur goûte, à travers le parcours de ces cinq personnages, au quotidien des jeunes provinciales tout juste débarquées à New York. Si les paillettes et les plaisirs sont au rendez-vous, leur nouvelle vie de citadine leur réserve malheureusement bien des déconvenues : harcèlement sexuel au travail, tromperie, mensonges, etc. Tout n'est pas doré sous les lumières new-yorkaises, et c'est avec un sérieux courage que Caroline et ses amies vont affronter leurs déceptions.
Ode à l'indépendance et conseil aux nouvelles arrivées, Rien n'est trop beau est un roman protéiforme, à la fois analyse sociologique et initiation à la vie de femme indépendante, professionnellement et sexuellement. Le lecteur d'aujourd'hui regardera avec bienveillance les personnages errer et se chercher, car ces errances ne sont finalement pas loin de ce que l'on peut vivre aujourd'hui. Les aventures sentimentales des cinq jeunes femmes et leur naïveté attachante résonnent de façon universelle, même si la note de fraîcheur et de nouveauté liée à leur époque a disparu. 
Rona Jaffe nous permet de nous immerger dans le New-York des années 1950 et décrit la ville et son ambiance avec soin. On parcourt les lignes du roman et on se retrouve plongé dans cette folle ambiance de la ville qui ne dort jamais.
J'ai été émue par cette lecture, happée par ces histoires singulières pour lesquelles Rona Jaffe a interrogé cinquante new-yorkaises. On frôle le document d'époque, on oscille entre le roman et le documentaire tant l'auteure maîtrise son sujet et relate ce qu'elle a connu. On pense à Mad Men et Sept ans de réflexion. On savoure cette lecture, sans hésiter.

Les avis de Cynthia, Enigma, Iluze,  MangoManu et Fleurfleur.

 

Voici ma cinquième participation

au Challenge La littérature fait son cinéma 2 organisé par Will

10 mai 2012

Mémoires d'une dame de cour dans la Cité interdite, Jin Yi

Mémoires d'une dame de cour dans la Cité interditeMémoires d'une dame de cour dans la Cité interdite est un récit biographique de Jin Yi. Ce dernier s'est intéressé à la vie de He Rong Er, ancienne dame de cour dans la Cité Interdite. Ce livre, paru en 1999 chez Piquier, est un témoignage rare de l'époque de la dernière impératrice, Cixi.  

Le récit de Jin Yi est scindé en quatre parties, qui sont autant de sujets abordés par sa vieille amie He Rong Er. La vie quotidienne d'une femme de cour est ainsi dépeint sous toutes ses facettes. Le style descriptif créé une distanciation avec le lecteur mais permet néanmoins de s'imaginer clairement ce qui est décrit. Pas de pathos ni de larmes sur le triste destin de He Rong Er, et plus généralement, des dames de cour, mais une description, un témoignage.

Je ne connais que très vaguement l'histoire de la Chine et ses traditions. Comme tout occidental, j'en ai certaines représentations - véhiculées notamment par les médias ou les films qui nous parviennent - mais cela reste flou, et parfois trop général. 
Ainsi, je ne savais presque rien de la condition des femmes qui travaillaient dans la Cité Interdite. Travailler... Je pense qu'on peut dire plutôt vouer son existence, car finalement peu avaient le choix et s'engager dans cette voie signifiait y consacrer sa liberté.
Jin Yi nous offre ici un récit particulièrement touchant d'une femme, à l'aube de son existence, une existence contrainte. Pas de pathos, comme évoqué plus haut, mais une pudeur tout au long du texte. Un style sobre, descriptif, qui sert le récit sans chercher à susciter une émotion. Jin Yi semble coucher sur papier ses entretiens avec son amie sans chercher autre chose qu'un témoignage.
On apprend beaucoup, sur tous les rituels qui rythmaient la journée d'une dame de cour. Du lever de l'impératrice à son coucher. L'auteur s'attarde également sur tous ces détails qui nous paraissent incensés tant ils sont ritualisés : la façon dont il faut présenter sa pipe à l'impératrice, dont il faut rentrer dans une pièce sans jamais lui tourner le dos, dont il faut annoncer chaque plat, etc. Autant de précisions qui nous sont étrangères et qui peuvent paraître futiles mais qui composent la vie de cette incroyable Empire et témoignent de son incroyable rigueur. 
Un récit lu d'une traite, pour mieux m'en imprégner et me glisser dans cette époque. Un document rare, sans fantasme ni imprécision. A lire si le destin des femmes chinoises et mandchoues vous intéresse.  
 

 Voici ma troisième participation au  Challenge Dragon organisé par Catherine et 
ma deuxième participation au Challenge  Biographie organisé par Alinéa.

                                           Challenge Dragon    Challenge Biographie

 

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