26 juin 2019
Blacksad, Diaz Canales et Juanjo Guarnido
Il y a huit ans quasi jours pour jours, je découvrais le premier tome de Blacksad. Et après... plus rien. Grand mystère de mon parcours de lectrice, je n'avais pas poursuivi la série, alors même que j'étais tombée sous le charme de Quelque part entre les ombres. Erreur réparée en dévorant d'une traite l'intégrale signée Canales et Guardino. Et autant vous le dire tout de suite : je me demande pourquoi j'ai mis tant de temps à dévorer les cinq tomes de cette série incontournable, dont on attend le sixième avec impatience.
Tout commence à New York, dans les années 50. Le privé Blacksad est appelé sur une scène de crime pour reconnaître la victime. Ce dernier s'étrangle en reconnaissant Natalia Wilford, son ancienne maîtresse, actrice de son état. Alors que la police lui intime de se taire, Blacksad décide de faire la lumière sur cette histoire.
Voilà comment s'ouvre le premier tome de cette série monumentale. Portée par des scénarios sombres à souhait qui explorent la noirceur de l'âme humaine, la série se dévore d'une traite, sans reprendre son souffle.
Je ne vais pas trop m'étendre sur le pourquoi de la qualité de Blacksad, d'autres l'ont fait, et avec bien plus de talent que moi, mais je vais plutôt vous dire pourquoi vous auriez tort de passer à côté.
Tout d'abord parce que l'ambiance polar des années 50 est rendue à la perfection, bercée par les monologues de ce chat désabusé par ce que la vie lui montre. Les dessins sont maîtrisés à la perfection, tant les ambiances que les scènes de mouvement, qui apparaissent avec fluidité sous l'oeil du lecteur. Les personnages sont tout aussi soignés, Guarnido poussant le vice à étudier les espèces représentées et jouer sur la physiognomonie.
Ensuite parce que de New York à la Nouvelle-Orléans, du milieu du cinéma à l'apogée du jazz, du fascisme au monde de l'art et ses ripoux, le duo d'auteurs balaye les ambiances et les problématiques avec un brio certain. En une planche, le lecteur est transporté dans cette amérique qui a mal, où les paillettes n'éclipsent ni les corruptions, ni les trafics de drogues ni les meurtres. Et Blacksad de naviguer dans ces univers, blessé par une vie qui ne l'épargne pas.
Enfin parce que s'il ne devait en rester qu'une, c'est cette série que je garderais, sans hésiter une seconde. Cette lecture m'a laissée tellement sur ma faim que j'attends avec impatience Blacksad : under the skin, l'adaptation en jeu vidéo qui va sortir en septembre.
Bref, vous l'aurez compris, ne passez sous aucun prétexte devant cette série. Beaucoup l'ont déjà lue, je le sais. Pour les autres, vous savez ce qu'il vous reste à faire. De mon côté, je prends mon mal en patience en attendant le sixième tome en préparation...
Cette semaine, c'est Noukette qui accueille le rendez-vous des amoureux des bulles !
19 juin 2019
Cassandra Darke, Posy Simmonds
Cassandra Darke est le dernier album de la dessinatrice de presse et écrivaine britannique Posy Simmonds. Il est paru en avril dernier chez Denoël.
Cassandra Darke est une riche septuagénaire londonienne égoïste, misanthrope et bougonne. La vieille dame n'a que faire des autres et n'a d'intérêt que son propre confort dans sa maison hors de prix de Chelsea. Le jour où la justice la rattrape pour fraude à la galerie d'arts de son défunt mari dont elle s'occupe, Cassandra se pardonne rapidement, même si elle y laisse beaucoup de plumes. Mais ça serait sans compter la trouvaille qu'elle fait dans son sous-sol, où elle a hebergé un temps Nicki, la fille de son ex-mari.
J'ai découvert Posy Simmonds il y a neuf ans, alors que j'étais prof doc stagiaire dans le Tarn. Et avec Gemma Bovery débutait une passion qui n'allait plus me quitter pour cette auteure britannique ! J'avais poursuivi mes lectures par Tamara Drewe puis, plus récemment, Literary Life. Autant vous dire que j'attendais ce nouvel album avec impatience !
Posy Simmonds poursuit son étude de l'Angleterre moderne à travers cette fois un personnage antipathique à l'humour noir qui n'est pas sans rappeler le Scrooge de Dickens, avare et teigne à ses heures. L'intrigue débute sur les ennuis de justice de la vieille galeriste avant de remonter le temps, un an plus tôt, alors qu'elle héberge Niki qui veut elle aussi percer dans le monde de l'art. Cassandra se refait le film de cette cohabitation et de ce qui a pu conduire à cette étrange découverte dans son sous-sol.
Posy Simmonds possède le don de bâtir une intrigue dense et fouillée, qui n'épargne ni Londres ni ses contemporains. Tout n'est pas joli, même dans les beaux quartiers, et la vie privilégiée de Cassandra ne fait pas oublier la misère des sans-abris qui logent pas loin. C'est brutal, parfois sans fard, mais toujours avec délicatesse et finesse. L'alternance d'époque scinde presque l'album en deux intrigues tant les personnages prennent vie sous la plume de l'auteure.
L'album est toujours à mi-chemin entre le roman et la BD, les larges paragraphes écrits cohabitant avec les dessins et les planches de BD plus classiques. Posy Simmonds a l'art de réinventer la planche pour en faire un collage d'articles de presse, une vignette unique, un mélange de textes et de vignettes, etc. le tout sans perdre en cohérence ni noyer son intrigue.
C'est bien simple : j'ai ouvert l'album, n'en connaissant que le minimum, et je n'ai pas pu décrocher mes yeux des pages avant de l'avoir terminé, éprouvant un mélange d'excitation à connaître le dénouement et une envie irrépressible de ralentir pour en garder un peu pour plus tard.
Ouvrir un album de Posy Simmonds, c'est toujours un ravissement. Si vous n'avez pas encore eu l'occasion de découvrir cette auteure, je ne peux que vous encourager à le faire. Commencez par celui-ci, Gemma Bovery ou Tamara Drewe. Et on en reparle. Coup de coeur garanti.
En bonus la vidéo "Comment j'ai dessiné Cassandra Darke" par Posy Simmonds
Cette semaine, c'est Moka qui accueille le rendez-vous des amoureux des bulles !