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Bienvenue à Bouquinbourg
3 janvier 2010

Trajets et itinéraires de l'oubli, Serge Brussolo

trajets_itinerairesJe viens de terminer Trajets et itinéraires de l'oubli de Serge Brussolo (que je connaissais pour avoir écrit la saga Peggy Sue et les fantômes en jeunesse), paru aux Editions Denoël en 1981, et dans la collection Folio 2 euros.

Dans ce court roman, Georges relate sa souffrance. La souffrance d'avoir perdue celle qu'il aimait dans un musée aux dimensions infernales. Embauchée pour en faire l'inventaire, Elsy a disparu mystérieusement dans son antre il y a plusieurs mois de cela.
Rituellement, tel un automate, Georges se rend dans ce lieu gigantesque plusieurs nuits par semaine, repoussant chaque fois les limites, allant chaque fois un peu plus loin, au risque de se perdre, au risque de s'y perdre, au risque aussi d'y laisser la raison.
Pourquoi Elsy a-t-elle tout quitté ? Pourquoi s'est-elle enfoncée dans ce musée étrange, dont elle connaissait le danger ? 


En moins de 120 pages, Serge Brussolo nous entraîne dans une intrigue fascinante.
Son musée, non sans rappeler La bibliothèque de Babel de Borgès, est un lieu fascinant, aux dimensions hors normes.  Dans ce microcosme, reflet de l'univers,  le visiteur trouve de quoi se sustenter, se laver, mais aussi dormir, afin que sa visite se déroule sans encombre. Il possède également une sorte de radar, capable de le ramener à l'entrée de l'édifice, le protégeant ainsi de toute désorientation.
Le musée apparaît à la fois comme un lieu de perdition, de mort si on s'égare, mais peut aussi être considéré comme la métaphore de l'utérus maternel, dans lequel le personnage pénètre pour revenir aux origines.

La narration à la troisième personne alterne le point de vue de Georges et celui d'Elsy, permettant au lecteur de se repérer dans les méandres brumeux de cette intrigue.
Un bon roman, qui frôle le fantastique avec ce musée surdimensionné et permet d'aborder une réflexion sur l'art intéressante, non loin de rappeler celle d'Eric Emmanuel-Schmidt dans Lorsque j'étais une œuvre d'art.

"Un tombeau dont la salle des trésors aurait été protégée par tout un dédale de couloirs destinés à égarer les pillards, par un de ces enchevêtrements de mort comme en recèle le ventre des pyram
47287655ides ? "  p.116

Et hop ! Un titre de plus pour mon Challenge 2 euros initié par Cynthia !!

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16 novembre 2009

La compagnie des spectres, Lydie Salvayre

La_compagnie_des_spectresJe viens de terminer La compagnie des spectres, court roman de Lydie Salvayre, qui a reçu le Prix Novembre puis a été élu "Meilleur Livre de l'année" par le magazine Lire en 1997.

Un huissier vient saisir un appartement habité par une mère et sa fille. Mais cette visite perturbe l'équilibre mental fragile de la mère de la narratrice, qui oscille entre le présent et l'année 1943, année charnière où sa vie a basculé.
L'huissier assiste alors impuissant au déferlement de ses  souvenirs, à l'invasion des fantômes du passé, tempérés tant bien que mal par la narratrice.
Le passé se mêle au présent, les  réminiscences de la guerre contaminent la réalité, jusqu'à ce que la malade confonde l'huissier avec des personnages historiques et se mette à l'insulter.
La situation dégénère alors...

Difficile de parler de ce court roman sans paraître plonger dans le pathos alors que le comique est pourtant là.
Huis-clos dans un appartement de Créteil, le récit alterne intrusions dans le passé et travail méthodique de l'huissier qui prend en note tout le mobilier. L'alternance cocasse de ces situations dédramatise la scène.
L'année 1943 a été très dure pour la mère de la narratrice (nous apprenons dès les premières pages pourquoi) et celle-ci est littéralement perdue dans ses souvenirs, oubliant par là même de s'occuper de sa fille.  Celle-ci en souffre, et tout comme sa mère, se sent abandonnée par la sienne.
Lydie Salvayre manie la langue française avec précision et humour. Son style incisif percute le lecteur de plein fouet.  La ponctuation est rare, laissant au lecteur le soin d'accorder paroles et pensées à chaque personnage.
Le lecteur se sent emporté avec humour dans cette situation pourtant tragique.
A lire pour la plume de
Lydie Salvayre
, trop peu connue encore, et qui mérite grandement de l'être davantage...

"Êtes-vous en possession d'un véhicule terrestre à moteur ? me demanda-t-il à brûle-pourpoint. C'était là un curieux introït. " p.13

"Ma mère, qui a beaucoup souffert, habite synchroniquement le passé et le présent, car la douleur a cette étrange vertu, dis-je métaphysique en diable, qu'elle abolit le temps ou qu'elle le désordonne, cela dépend des cas."p.29

"Son esprit intemporel opère d'incessantes navettes entre l'année 1943 et la nôtre, sans nul égard pour la chronologie officielle, c'est un symptôme, semble-t-il très difficile à expurger." p.29

"La tristesse qui me gagnait n'était pas sans mélange. Mille sentiments pénibles surgis dès le matin et que je m'étais efforcée tant bien que mal de refouler, venaient soudainement y converger. La colère. L'humiliation. La honte. La douleur d'être tiraillée  entre deux volontés ennemies : celle de paraître conforme à tous égards, combattue par celle, non moins tenace, de tout envoyer dinguer : l'huissier, ma mère et d'ailleurs toute cette histoire."p.131

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