04 janvier 2017
Petites coupures à Shioguni, Florent Chavouet
Petites coupures à Shioguni est un album de Florent Chavouet paru en 2014 aux éditions Philippe Piquier et primé à Angoulême en 2015.
Shioguni, la nuit. Un restaurateur qui a des dettes se fait agresser par des yakuzas peu sportifs, une jeune fille dérobe les clés de distributeurs de boissons de la ville, deux voitures se percutent et leurs propriétaires se battent tandis qu'un tigre rôde en ville. Toutes ces péripéties perturbent la soirée du commissaire qui ne rêve que de rentrer chez lui manger un bol de udon. Les témoignages sont confus, la chronologie des événements aussi. Que s'est-il réellement passé ce soir-là à Shioguni ?
J'ai découvert Florent Chavouet il y a quelques années avec ses carnets de voyages Tokyo Sanpo et Manabé Shima. Tombée sous le charme de son coup de crayon et de ses perspectives folles qui le caractérisent, j'étais très enthousiaste à l'idée de le découvrir du côté de la fiction cette fois. Car si ses deux premiers albums étaient des documentaires relatant ses expériences nippones, Petites coupures à Shioguni est la première fiction du jeune illustrateur, se déroulant toujours dans ce pays qu'il affectionne tant (ça tombe bien, moi aussi !)
Expérience déroutante s'il en est, Petites coupures à Shioguni est un petit bijou dont la lecture se gagne. Parce que si vous ne comprenez rien au début et que vous revenez trois pages en arrière à chaque page, c'est bien normal ! Florent Chavouet joue avec son lecteur, en mêlant les genres - entre policier et humour -, en détournant certains codes et en emberlificotant la temporalité de son intrigue pour mieux offrir un ovni brillant, un rien déjanté. Ce qui paraît brouillon de prime abord - les fameuses petites coupures du titre - s'imbriquent parfaitement au final et donnent à voir une intrigue où chaque petit détail fait sens, seul ou en lien avec d'autres. Quel plaisir, une fois la dernière page tournée, de revenir en arrière piocher des indices qui nous avait échappés !
Niveau dessin, Florent Chavouet parfait son trait en se perfectionnant notamment sur les scènes en mouvement. Ses couleurs franches sont contrastées par le noir, toujours très présent dans son trait. Ses personnages gagnent en profondeur et en charisme, tandis que ses décors - toujours aussi soignés -sont un régal pour les yeux. Chaque double page est un petit bijou d'inventivité, mixant les compositions, les dispositions, à la manière d'un carnet où des interviews seraient collées, des notes prises, des moments de la nuit dans chacun des quartiers relatés avec beaucoup d'humour, etc.
En bref, un album étonnant, protéiforme, à la narration complexe et aux dessins incroyables dont je ne saurais que vous conseiller la lecture. Pour ma part, c'est officiel, je fais partie du fan-club de Florent Chavouet !
Cette semaine chez Moka !
Vos commentaires
- J'ai un Chavouet qui m'attend sur mes étagères mais je ne l'ai pas encore lu !
- Vas-y, tu n'as rien à perdre ! Moi qui connais bien son travail (mais dans ses précédents albums qui étaient des documentaires) je m'y suis reprise à trois fois pour bien comprendre le début !^^ Au final, j'ai lâché du lest au fur et à mesure de ma lecture et j'ai bien fait car tous les éléments se sont imbriqués et j'ai tout compris à la fin.
- Je suis fan depuis le début aussi mais je craignais le passage à la fiction... Essai transformé ! Je l'ai rencontré en dédicace à Montreuil il y a six ans et j'avais été moisie, comme d'habitude, bégayant trois banalités sur son travail, rougissant comme une gamine de 13 ans. Voilà voilà, ça c'est moi quand je rencontre des auteurs...
- J'espère que tu tomberas sous le charme toi aussi.
Je ne peux que te conseille Manabe Shima aussi, son album qui raconte son quotidien quand il est parti seul durant 2 mois sur une petite île du Japon, sans parler la langue, avec un sac à dos et ses crayons. Hyper drôle, poétique, inspirant, bref, un très bel album !